Perpignan : Promenade amoureuse : Part. 2
La suite de notre promenade amoureuse dans Perpignan fait étape rue des Abreuvoirs où logèrent deux amants célèbres : George Sand et Frédéric Chopin.
George Sand rencontre pour la première fois Chopin en 1838. Il joue chez le marquis de Custine en présence de George. Discret, spirituel, il a cette fragilité qui séduit les femmes en mal d'innocence. George croit Chopin fiancé mais il représente pour elle l'aboutissement d'un certain idéal. Il « toussait avec une grâce infinie ». En octobre 1838, ils partent ensemble pour l'Espagne et Majorque car Solange, la fille de George et surtout Maurice, son fils, sont en mauvaise santé. Ils se donnent rendez-vous à Perpignan, Chopin ne souhaitant pas afficher son départ. George arrive à Perpignan avec ses deux enfants et sa femme de chambre, le mardi 30 octobre. Elle est déçue et un peu inquiète de ne pas trouver à l'arrivée son amant. Elle se renseigne et apprend que la malle-poste en provenance de Toulouse n'arrivera que le lendemain, tard dans la soirée. Un peu soucieuse, elle rejoint avec ses enfants l'Hôtel de l'Europe, dans l’actuelle rue des Abreuvoirs, que tient un certain Monsieur Carcassonne. C'est la meilleure auberge de la ville.
Le mercredi 31 octobre, tard dans l'après-midi, Frédéric arrive enfin à Perpignan. Il descend de la malle-poste de Toulouse, heureux et apparemment bien portant. Il avait merveilleusement supporté le voyage ! (900 km en 114 h sur des routes médiocres où les bosses succèdent aux trous et les pavés aux fondrières).
« Chopin est arrivé hier soir à Perpignan, frais comme une rose et rose comme un navet; bien portant d'ailleurs, ayant supporté héroïquement ses quatre nuits de malle-poste ». Les voyageurs dînent à l'Hôtel de l'Europe et couchent dans une jolie chambre gris perle, apparemment la couleur préférée de Chopin.
Le 1er novembre, nos voyageurs prennent la diligence pour Port-Vendres, salués par une ovation et un « adieu musical » selon les écrits de George Sand. Cette double manifestation est difficilement explicable, Chopin à cette époque n'étant connu qu'à la capitale…
On peut penser plutôt à une rencontre, le soir, à l'hôtel, avec des musiciens de passage qui auraient accepté de jouer pour eux quelques airs et l'imagination amoureuse de George, ainsi que l'immense désir de flatter l'amour-propre de son nouvel amant, auraient transformé ces instants fortuits en « Adieu musical de France » !
Arrêtons-nous ensuite sur le parvis de l’église Saint-Jean-le-Vieux, l'histoire se situe à la fin du XIIe siècle. Guillem de Cabestany est placé tout jeune comme « Damoiseau » de Sorimonde, fille puînée du Seigneur de Peralada. Cette dernière épousant le Comte Raimond de Château Roussillon, elle s'installe à Château Roussillon avec sa suite dont fait partie le petit troubadour. Guillem aime la dame et chante sa beauté et son amour. Malheureusement, le Comte ayant vent de cet amour naissant et pur, devient fou !
Il emmène le jeune Guillem à la chasse mais le gibier n'est autre que le jeune troubadour... Il le tue, lui tranche la tête et lui arrache le cœur. Une fois rentré au château avec ses trophées, il fait préparer le cœur en sauce au poivre et le donne à manger à sa jeune épousée. Une fois le repas terminé et l'estomac de la belle satisfait, le Comte lui révèle la nature du mets. La dame ne voulant y croire, le Comte lui donne à voir la tête de son jeune amoureux. Voyant cela et réalisant toute l'horreur de la situation, Sorimonde s'évanouit. Lorsqu'elle revient à elle, elle dit avec beaucoup de sang-froid et de dignité : « Seigneur, jamais plus rien n'ôtera de ma bouche ce que le cœur de Guillem de Cabestany y a laissé ».
Fou de rage, le Comte court à son épée et veut frapper Sorimonde mais cette dernière court à un balcon et se laisse tomber du haut de la tour de Château Roussillon. On raconte que les villageois émus par l'histoire portèrent en grande pompe à Saint-Jean-le-Vieux les corps des deux amoureux. Et que tous les ans, un pèlerinage était effectué au cimetière sur lequel vous vous trouvez…
Enfin, la dernière histoire nous entraîne vers l’amour divin, avec les miracles d’Anne Marie Antigo, clarisse à Perpignan au 17e siècle.
Dans la rue Fontaine Neuve, vivait un apothicaire, heureux papa d'une petite Catherine, née le 19 janvier 1602. La petite fille grandit dans une famille très croyante et voit passer dès son plus jeune âge les sœurs de Sainte-Claire. Elle demande à entrer au couvent royal de la Passion, situé actuelle rue Derroja, le 24 mars 1621 à 19 ans et prend pour prénom Anne-Marie. Elle fait une offrande totale de son être à l'Amour Crucifié.
En 1642, sœur Anne-Marie Antigo a une vision : celle d'un serpent étouffant 20 vierges. En 1652 le procureur Sagarra expulse 20 clarisses dont sœur Anne-Marie Antigo. Le Confesseur de la sœur est exilé à Barcelone où il se meurt. Alors qu’Anne-Marie est au couvent Sainte-Elisabeth à Madrid. Elle apparaît à son confesseur pour lui dire un dernier adieu : autre miracle...
En 1660, Anne-d'Autriche, qui loge à la Casa Xanxo, visite les couvents et intercède pour le retour des Clarisses le 25 mai 1660. À son retour, Anne-Marie va réformer le couvent. Elle meurt en odeur de sainteté le 26 septembre 1676. Elle est enterrée sous la chapelle de la salle du chapitre.
Un premier examen médical du corps est pratiqué en 1731. On découvre que le corps est resté intact, qu'il dégage une bonne odeur de fleurs et qu'il est resté souple. Le corps est déplacé en 1771 dans le mur gauche de l'autel de la chapelle capitulaire.
À la révolution, le couvent est fermé puis transformé en prison. Les travaux engagés en 1805 permettent la découverte du corps. On le transporte à l'église de La Réal. La foule est là et veut récupérer un souvenir et se précipite (d'où les lèvres abîmées, le manque de quelques phalanges…).
Après de nombreux examens, le corps n'a toujours pas bougé. Il a été transféré finalement en 1878 dans le nouveau couvent Sainte-Claire, 107 avenue Maréchal Joffre. On parle à Perpignan depuis toujours de la Sainte de Sainte-Claire or, depuis la demande de sa béatification en 1921, nous ne pouvons pour l'instant lui donner le titre que de Vénérable.
Mais les Perpignanais sont tellement fiers de leur Sainte de Sainte-Claire, qu'ils lui ont donné le titre de Bienheureuse. La demande de béatification a été relancée en 1996 et toujours en attente d’une réponse favorable du Vatican…